Biologiste passionné par la vie des sols, George Oxley milite pour une meilleure connaissance des plantes sauvages. Et si notre avenir résidait aussi dans les fleurs ?
Quel rapport entre le siège de Sarajevo, de 1992 à 1995, et les fleurs sauvages? La question peut paraître étrange. Pourtant la population bosniaque confinée dans ses murs Durant près de quatre ans a pu survivre en partie grâce à quelque 91 plantes sauvages. Sources de vitamines, «elles ont complété les tristes rations de l’aide internationale», écrit George Oxley dans, la fleur au fusil passionnant essai consacré aux potentialités que recèlent les plantes sauvages en matière.de nutrition, de santé et de climat.
De leurs saveurs, ce sciertifique gastronome s’était déjà fait l’ardent défenseur dans un Manifeste Gourmand des plantes sauvages qui décrocha en 2013 le prix du Livre gastronome. Le propos cette fois-ci est plus grave puisqu’il ne s’agit rien de moins d’inscrire les plantes dans une réflexion engageant l’avenir de l’humanité et la lutte contre les dérèglements climatiques. Biologiste indépendant et spécialiste de la vie des sols, acteur engagé de la biodiversité appliquée à l’agriculture, notamment dans le bassin du Congo où il explore des possibilités de nutrition alternatives qui fassent l’économie du «tout chimique», George Oxley signe un ouvrage de vulgarisation scientifique. Le profane y saisira combien les fleurs et les plantes sauvages sont des indicateurs de la qualité des sols. Ainsi, à Sarajevo, dans la terre fraîchement battue par les obus, le tussilage était la première fleur à apparaître. Et compte tenu du nombre d’obus qui tombaient sur la ville, elle poussait abondamment, offrant aux habitants ses ressources en vitamines C et sels minéraux. Parmi les sucres assimilables du tussilage, le rhamnose. «Le plus rare des neuf sucres de base de la création. Il permet aux cellules d’absorber illico toutes sortes de nutriments», écrit George Oxley.
Parmi les 7 000 plantes européennes, 5 000 sont comestibles dont beaucoup apportent à l’homme des éléments nutritifs essentiels. Un réservoir fantastique longtemps délaissé dans une société occidentale qui privilégie une agriculture dopée à la chimie et peu soucieuse du respect des sols – à leur appauvrissement, la réponse est toujours plus d’azote, de phosphore et de potasse. Dénonçant l’ancestrale pratique du labour, qui fait basculer sous terre les micro-organismes ayant un besoin vital d’oxygène et remonter en surface d’autres qui craignent l’air, appauvrissant d’autant les sols, Oxley trace les contours d’une agriculture alternative passant par le respect de la terre : « 90 % du vivant de notre planète est contenu dans ce sol. Tout ce qui se développe et se balade en surface est conçu pour le nourrir. [ … ] Pour la fertilité, chaque maillon de la chaîne alimentaire compte ». A la monoculture intensive, de nombreuses sociétés ont oppose l’harmonie dans la diversité, à l’instar des Incas qui faisaient pousser le maïs en l’associant au haricot, au potiron et à la poire de terre (un cousin du topinambour) où du riz japonais semé avec du trèfle dans un champ où est également cultivé de l’orge. « Les herbes folles nous nourrissent et participent à la vie du sol. Elles sont au centre de toute cette complexité du vivant qui fixe le carbone et les gaz à effets de serre», rappelle George Oxley. Une prise de conscience se dessine. Du rôle des plantes sauvages, la COP 21 s’en est même fait l’écho. Pour le biologiste il ne reste désormais plus qu’à agir.
Article de Serge Hartmann, Les Dernières Nouvelles d’Alsace DNA le 9 Mai 2017
La fleur au fusil, de George Oxley, aux editions Alternatives Gallimard, collection Manifestô, 141 pages 17€
Rencontre avec George Oxley Mardi 9 Mai à 17h30 librairie Kléber à Strasbourg
Pourquoi j’ai mis la fleur au fusil ? Journal NATURE & PROGRES Avril 2017
Les fleurs s’ouvrent, pleines de promesses de bonheur. Elles nous informent aussi sur notre terre, son état, sa dynamique et son évolution. De simples indics ? Derrière ce dialogue, se cache le travail qu’elles effectuent sur le sol pour toujours plus de fertilité, de vie. Symbiose est bien trop pauvre, c’est une Symphonie !
Ces fleurs sont la musique de ces synergies avec les mycorhizes et microbes, ce biome du sol qui nous nourrit. « Quelle belle assiette » disait Curnonski, Prince des gastronomes, admirant le paysage du Bugey… Cette symbiose, c’est le socle de notre terroir, du Goût. Je dirai plus : cette symphonie nous met sur les pistes de notre bien-être, de notre santé. Chercher à comprendre ce dialogue symphonique avec les fleurs est la quête de l’essence même de notre plaisir. C’est aussi ce qui permet à notre équipe de repenser la nourriture des animaux, pour soigner les chevaux de course de Chantilly, les canards du Sud Ouest, les poissons ou les abeilles, des conditions d’élevage que l’homme leur impose. Le point déclencheur de cette réussite est d’associer cette biodiversité aux plantes, dans la nourriture.
Le 4 août 2015, treize universités, 22 chercheurs de sept pays différents démontrent[1] ensemble que l’ancêtre de toutes les plantes est une algue qui a conquis la planète en choisissant de s’allier et de partager son ADN, avec un champignon. Ce pas décisif de l’évolution, se fait dans l’océan, avant même de coloniser la terre ferme : cette nécessité symbiotique est déjà inscrite dans le génome de l’ancêtre de toutes les plantes. Les échantillons étudiés situent l’événement il y a environ 550 millions d’années. Désormais la définition d’une plante est un végétal associé à un champignon. Toute autre chose est une chimère.
En réalité, c’est comme si le végétal avait embauché un cuisinier : le champignon est capable de grignoter la roche comme le phosphore, décomposer les nitrites toxiques en nitrates ou rendre les métaux « comestibles ». Le mycorhize de ce champignon croît de 2 à 3cm par jour, alors qu’une racine dépasse rarement le millimètre. Il court, sans se tromper, à l’affut de nourriture et d’eau. S’il croise une nématode, il l’attrape au lasso pour l’azote de la plante. Si un sanglier écorche un arbousier, la mycorhize de l’arbuste se branchera avec celle d’une sarriette des montagnes, pour échanger cicatrisant et désinfectant… Tout cela est le commerce des microbes du sol. Nourrir la plante c’est avant tout nourrir son sol. Labourer ou asperger de la chimie du pétrole, tout cela fonctionne un temps et disparaîtra vite étouffé. Le pétrole et sa chimie fossile se colle et bloque la communication des cellules.
200 millions d’années après sa naissance, la plante invente la graine. Elle peut désormais choisir le bon moment, lieu et climat pour germer, ou bien rester en dormance et attendre. L’ADN de la graine est programmé pour répondre à des conditions particulières de l’environnement et du sol. Maintenant que l’on sait cela, un parterre de fleurs sauvages devient un langage précis sur les qualités du sol, les conditions environnementales, climatiques et leur dynamique. Eradiquer les plantes sauvages revient à casser le thermomètre.
La terre nous parle tout plein de fleurs à la bouche. Elles nous parlent du sol, le tube digestif de la terre. Tout ce qui tombe dessus est voué à y être digéré pour nourrir la vie. Nous nourrir. 90% des êtres sur terre vivent dans ces 10 à 20 cm de sol. Le ver de terre en est le super-prédateur, en haut de la pyramide. Il n’est rien sans tout le reste : en surface, ceux qui vivent avec l’air, au fond ceux qui vivent sans ; entre les deux, les microorganismes intermédiaires. Si l’on met à l’air ceux du fond, ils crèvent au soleil et si l’on enfouit ceux de la surface, ils étouffent ; restent les intermédiaires, virus, Escherichia coli et autre Staphylocoque doré, causes de nos maladies nosocomiales. Les discussions avec mon maître Théodore Monod, buttaient souvent sur la question fondamentale et insoluble, du « Mal » chez l’homme. Dans la nature c’est peut être plus simple : ce serait quelque chose qui n’est pas à sa place. Notre système digestif est composé à l’image de notre sol : dans la bouche et l’estomac les êtres qui vivent avec l’air, dans le colon les anaérobiques. Nous savons désormais que notre biome compte 10 fois plus de bactéries, 100 fois plus de virus et 10 fois plus de champignons que de cellules humaines. Chacun a sa place et il ne viendrait à personne l’idée de labourer, ou d’intervertir l’œsophage par le colon. Le fœtus animal est quasiment vierge de bactérie. Il est ensemencé à sa naissance par l’utérus, puis il se forme avec la nourriture que produit son sol : nous sommes des bouts de sol à pattes.
Dans ce dialogue avec la terre, les fleurs nous parlent du biome du sol : de son activité, qui est à la manœuvre, pourquoi… Elles nous révèlent les préoccupations du lieu et du moment, les dangers et les espoirs ; un petit monde hyper actif. L’objectif est l’évolution, la fertilité. Le sol est compacté par un troupeau qui a stationné un moment. Aussitôt les bêtes parties, voici un groupe de chardons qui lève. Ils nous disent : terre battue, phosphore bloqué, manque d’air, humide, trop de nitrites. Champignons et bactéries mangent les cailloux. Le chardon va les utiliser pour débloquer le phosphore. Les mycorhizes, Glomus ssp., Intraradices ssp. et bien d’autres, vont utiliser les espaces dégagés par sa racine qui perce et fendille la semelle compactée du sol pour permettre aux bactéries aérobies de reprendre leur place. Ils feront vite lever les graines de Rumex et de plantain à la rescousse. Il faut plus d’air dans le sol. Parmi les bactéries qui vivent avec chardons et Rumex, les Thiotrix ssp. vont rééquilibrer les aluminiums de l’argile, empêcher qu’il devienne Al(III), grand perturbateurs des liaisons électriques du sol, comme des liaisons neuronales… l’argile est un silicate d’aluminium avec 70 kg de métal par mètre cube, qui peuvent se transformer tout d’un coup en violent perturbateur de la vie. Ainsi j’ai compris que dans le sol, dans chaque équation des équilibres chimiques, le « égal » représentait en réalité une bactérie, un être vivant responsable d’un échelon de la chaine du vivant, dont l’expression est une fleur. Ici pour le fluor, le soufre et l’aluminium, il y a Thiotrix ssp. Tant que le problème persistera, le chardon sera présent et repoussera. Une fois le problème résolu, il fait ses graines et attend. On accuse les friches de propager les chardons… pourtant un chardon ne peut pas pousser, si ses conditions ne sont pas présentes. Mais surtout en poussant, une fleur sauvage remédie, se nourrit de ce qui la fait pousser.
Pour l’etnobotaniste Gérard Ducerf le sol est la peau de la terre. J’ajoute la peau et le tube digestif. Les recherches que nous menons ensemble sur le terrain, nous permettent, en étudiant le biotope et la levée de dormance des plantes, de comprendre leur impact sur le biome du sol et donc d’appréhender leur potentiel pour la santé des animaux. Sur les 350 espèces relevées dans les pâturages alpins en 1980, la biodiversité record aujourd’hui dépasse rarement les 60 espèces et plus souvent 20 à 14 espèces. Au printemps la biodiversité c’est aussi la couleur. Avant le champ était multicolore ; toujours plus de bétail et il passe au blanc, puis au jaune et enfin tout vert… la diversité des couleurs nous parlent aussi de la santé des bêtes, de leur lait. La beauté d’une prairie nous parle de la santé de ceux qui mangent ce fromage.
En botanique, l’estomac est le meilleur des professeurs. Sur nos 8000 plantes européennes, plus de 4000 sont comestibles et 1000 absolument délicieuses. Théodore Monod me disait toujours « mets sur 24 heures les 2,4millions d’années d’évolution de l’homme : matin, midi et soir, nous mangeons des plantes sauvages et tout d’un coup, à minuit moins 4, on se met à cultiver en oubliant tout le reste». A l’époque nous étions à Lucy ; depuis la découverte de Toumaï, notre genre a 8 millions d’années et le temps de l’agriculture, moins de 1mn. Homo a évolué se nourrissant de plantes sauvages. Ces fleurs nous ont aussi soigné. Il semblerait que l’on cherche à nous le faire oublier, pourtant elles sont le centre d’intérêt de la science moderne. On savait les actifs du chardon efficaces sur le foie, les maladies de dégénérescence nerveuse, au Japon un médicament à partir du chardon marie, Silybum marianum a obtenu l’AMM pour soigner le pancréas. Ils ont du enrober les pilules d’amidon, pour protéger les actifs d’être détruits par l’estomac. Tous les chardons sont comestibles excepté un, qui sert de glue au moyen orient, mais ils sont couverts de piquants… pour les manger la solution est de les cuisiner, en faire un bouillon sans bouillir pour un risotto ou une pâte. Le chardon permet aussi d’utiliser moins de viande, car c’est un exhausteur de l’umami, le goût des protéines.
Me parlant de ses souvenirs de Sarajevo, une amie réalise qu’ils ont tenu cinq ans de siège en mangeant 90 plantes sauvages. Derrière les obus, les herbes folles qui lèvent leur dormance pour réparer la terre meurtrie, s’occupent aussi de la santé des hommes en Bosnie comme en Syrie.
Comment puis-parler d’une fleur, la muse des poètes, comme d’un simple outil ? C’est sûr, elle nous nourrit, soigne, redonne l’envie de vivre en des temps troubles. Cette fleur je l’ai mise au fusil, littéralement car elle est notre lien avec les êtres du sol, la biodiversité, une arme d’une importance vitale car notre alimentation en dépend, notre santé également.
George Oxley est biologiste indépendant,
auteur de « La Fleur Au Fusil » Alternatives Gallimard.
[1] P.-M. Delaux, « Algal Ancestor of Land Plants Was Preadapted for Symbiosis », Max Planck Institute for Chemical Ecology (11 sept. 2015) / doi: 10.1073/pnas.1515426112
George Oxley interviewé par Isabelle Adjani pour le magazine Gala.
Spécialiste de la vie des plantes et des sols, ce biochimiste porte un regard éclairé sur notre planète et sur notre alimentation.
George Oxley « Oui, la nature nous parle »
ISABELLE ADJANI : George la nature est pleine d’informations et d’indicateurs dont nous ignorons absolument la signification, vous consacrez votre vie à décrypter son langage. Quels sont les grands principes à connaître pour la comprendre ?
GEORGE OXLEY: Avant tout il faut savoir que la Terre est notre amie, notre alliée et que nous devons la respecter. Il y a des milliards d’années, la nature gérait son cycle de vie. L’homme s’est formé et a évolué avec elle. Puis, il y a dix mille ans, il a inventé l’agriculture, commencé à labourer, détruisant l’ordre naturel du sol, faisant remonter à la surface les bactéries qui doivent rester dans le sol et enterrant celles qui doivent rester à l’air. Elles meurent, les échanges ne se font plus. Les bactéries néfastes résistent et entrent directement en contact avec l’homme. Cela détruit les réseaux de mycorhizes par lesquels passent toutes les informations entre les plantes, leurs nutriments, l’eau et qui jouent un rôle de bioprotection du sol en renforçant leurs défenses naturelles. Bref, il a complètement bouleversé le système.
I. A.: A propos de l’alimentation, nous vivons une période ultrasensible. Plus personne n’ignore que bon nombre de nos problèmes de santé sont liés à ce que nous consommons.
G. O.: Bien sûr, l’homme ne s’est pas contenté de changer l’ordre naturel des choses, il a inventé des solutions pour maîtriser et booster la production, au mépris de leur évolution et de leur saisonnalité. Nous oublions que notre estomac fonctionne grâce aux mêmes bactéries que Å“nes du sol. Lorsque l’on mange des aliments issus de terres bouleversées, cela se répercute directement sur notre digestion, nos comportements, déclenche des allergies, des intolérances alimentaires, etc. La culture hors-sol, par exemple, peut être une bonne chose, si le lien avec le sol est respecté et si l’on n’utilise pas de substrats nocifs tels que la laine de roche à hase d’aluminium.
I. A.: Parlons de la tomate, c’est un fruit à bien choisir, non ?
G. O. : Oui. la tomate est un bon exemple. Ses graines accumulent tous les produits toxiques contenus dans la matière qui la nourrit, particulièrement les métaux lourds. Il faut donc les retirer avant de la consommer. A part si elle a été élevée naturellement, bien sûr.
I. A.: Donc, on est d’accord, le bio avant tout?
G. O. : Oui ! Un produit bio nous épargne la consommation de pesticides, conservateurs et autres substances non recommandables utilisés dans l’agriculture intensive. La culture bio ne tolère pas les substrats tels que la laine de roche par exemple.
I.A.: Est-ce que vous pouvez dire aux gens comment se protéger ?
G. O.: En fait c’est tout simple. Apprenons à observer la nature, à l’écouter, à tenir compte de ses avertissements: tempêtes, canicule, pour ne citer que les plus évidents. Informons-nous sur la production des produits ct acceptons de changer nos habitudes si nous savons qu’elles sont néfastes pour l’environnement. Soyons responsables et retrouvons la beauté des champs fleuris, celle des pâturages qui ne sont pas des usines. Alors nous irons beaucoup mieux, dans notre corps et dans notre tête.
PROPOS RECUEILLIS PAR ISABELLE ADJANI A Lire: La Fleur au fusil, de George Oxley, éd. Gallimard Altematives. Manifeste gourmand des herbes folles, avec Diana Ubarrechena, éd. du Toucan. Saveurs Sauvages de Ré éditions Vlad Tepéç.
TED x “Vive le spore”
Quelques alertes pour une bonne nourriture, saine. Le rôle essentiel des plantes sauvages et des champignons pour une agriculture respectueuse de l’homme et de son environnement.
A l’occasion de la sortie du livre Saveurs Sauvages de Ré : Silence ça pousse filme George Oxley pour l’émission des passionnés de nature sur France 5. Voici les images du réalisateur Christophe Bourges :
Les marais salants et les terres salées en général, sont considérées comme les plus pauvres, rien de nourrissant semble y pousser… C’est tout le contraire.
Parmi les plantes qui aiment ces lieux, il y a des Amaranthaceae qui ont autant de protéines que la viande de boeuf et 2 fois plus de calcium que le meilleur des laits, qui n’existe plus…
Les meilleures moutardes du monde, qui ne sont plus récoltées aujourd’hui car leurs graines sont plus petites que les moutardes chinoises qui les ont remplacées même en France, car plus faciles à récolter, mais beaucoup moins puissantes en goût…
Le maceron, Smyrnium olusatrum, la carotte de Smyrne introduite par Charlemagne pour assurer la sécurité alimentaire de l’Empire, qui est aujourd’hui arrachée comme mauvaise herbe…
Les plantains salés, tels le plantain corne de cerf : ils ont un goût délicieux de champignon de Paris et son bien plus charnus, plus crassulants que les plantains communs. Ils sont surtout très pratiques car ils font passer instantanément les piqures de moustiques, ce n’est pas ce qui manque dans les salins. On enduit la piqure d’une feuille machouillée et la démangeaison est terminée.
Ces plantes ont développé toutes sortes de stratégies pour vivre dans le sel, des symbioses avec des bactéries et champignons spéciaux, mais aussi des hormones qui régulent le taux de sel dans leur sève. Il se trouve que ces hormones sont tout à fait reconnues par notre corps et ce même principe marche sur l’homme également.
Ainsi l’on pourrait tout à fait utiliser ces plantes pour saler notre nourriture, ce qui nous permettrait de réguler le taux de sel dans notre sang.
La criste marine, Crithmum maritimum, nourrissante et gouteuse, pleine de vitamine et de sucres rares désormais utilisés par les géants cosmétiques comme antiride.
Bref si l’estomac vous dit… allez-y la comestibilité fait partie de la stratégie de la plante pour se reproduire, donc n’hésitez pas, mais laissez toujours un peu de plantes pour les animaux, ne les arrachez pas, laissez les racines en place et régalez vous, c’est fait pour cela, même si on a tendance à l’oublier depuis l’invention de l’agriculture qui a créé la famine.
La Fleur une arme source de vie est l’article que j’ai transmis au valeureux magazine Les Zindignés de Mai 2016 à leur demande à l’occasion de la sortie de mon nouveau livre “La Fleur Au Fusil”.
La fleur une arme source de vie.
Personne ne dit qu’il y a tout juste 20ans, les habitants de Sarajevo ont survécu à plus de 4 ans de siège, en se nourrissant d’un peu plus de 90 plantes sauvages. Bien sûr, il y avait les rations de l’aide humanitaire, les boites de corned-beef, les portions de vache-qui-rit, les biscuits secs… Mais à force de manger la même chose à tous les repas, on en perd son humanité. En leur apportant vitamines et chlorophylle, les fleurs sauvages ont libéré Sarajevo. En se nourrissant par eux-mêmes, les assiégés ont pris part à leur survie, ils sont restés humains. Les fleurs ont soigné leurs blessures, elles ont aussi remonté leur moral. C’est en 1992-93, pendant la guerre de Bosnie, qu’ont été publié les découvertes démontrant que le millepertuis était aussi efficace que les anxiolytiques, les antidépresseurs, Prozac et autres. Paracelse au XVI° siècle disait déjà que cette plante apportait le soleil dans la tête. Les principes actifs de la fleur n’ont pas d’effets secondaires et s’évanouissent dans la nature sans laisser de traces. Les médicaments de synthèse, issus de la chimie du pétrole, persistent et se concentrent dans les boues d’épuration pour former les cocktails de médicaments qui nourrissent les vers et autre nourriture des oiseaux, qui n’y sont absolument pas préparés et en perdent leurs repères. Il faut se souvenir que l’homme fait aussi parti de cette chaine alimentaire qu’il perturbe.
La paix revenue, les habitants de Sarajevo sont retournés à leur rêve de modernité aspirant, comme la majorité des européens, au supermarché et au Big Mac. Oubliées les plantes sauvages comestibles, effacés ces temps difficiles. On n’est pas fier d’avoir pu régresser, un jour, au niveau d’une poule qui picore sa pitance sauvage, tels des chasseurs cueilleurs d’avant l’agriculture. Mais le chasseur cueilleur n’est-il pas l’urbain d’aujourd’hui ?
Le meilleur des nutriments
Voici ces fleurs devenues iconiques des hippies Flower Power des années 70, des plantes sauvages comestibles pour restaurants hipsters 3 étoiles, de bobos en manque de révolte. Ces herbes folles méritent davantage. Elles sont vraiment nombreuses et représentent un vrai potentiel de nutrition. En Europe, sur les 7000 espèces de plantes, 4000 sont comestibles et 1000 au bas mot, absolument délicieuses. Au supermarché ou chez le primeur du coin de la rue, si l’on trouve plus de 20 légumes différents, c’est exceptionnel. Ces plantes sauvages, devenues mauvaises herbes, sont aussi les légumes anciens, aujourd’hui classés comme oubliés. Le Chénopode, par exemple, de la vaste famille des Amaranthaceae, fait parti du Capitulaire de Villis, l’ordonnance imposée par Charlemagne en 812. Tous les monastères et garnisons devaient cultiver 92 plantes pour assurer la sécurité de l’Empire européen. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, l’Amarante dispose d’autant de protéines que la viande de bœuf et de deux fois plus de calcium que le meilleur des laits.
La biodiversité pour notre santé
En évacuant le sauvage de notre quotidien, nous avons bradé la qualité de notre terroir, pour une nourriture en quantité. Je ne vous apprends rien, mais c’est toujours bon à rappeler, car rien n’est devenu plus difficile que de faire ses courses sans questionner l’innocuité de nos aliments de toujours. Bon appétit ou bon courage ? De la terre à l‘assiette, notre culture s’effrite et notre planète chauffe. Avant même de mettre en cause la chimie déversée en quantité pharaonique depuis 30 ans, qui tue en premier chef ceux qui les emploient, les cultivateurs, la qualité de nos produits dépend avant tout de la biodiversité des fleurs des champs, tout comme des pratiques agricoles. Les abeilles qui crèvent en sont les meilleures indicatrices, car c’est avec cette biodiversité qu’elles fabriquent leurs défenses immunitaires. Depuis les relevés botaniques effectués par l’excellent botaniste Gérard Ducerf, dans les années 1980, où l’on comptait 250 à 300 plantes, dans les mêmes pâturages, comme dans les alpages sanctuarisés aujourd’hui, le maximum que nous relevons est de 50 à 60 plantes dans les espaces exemplaires et plus souvent 15 à 14, voire 5 dans certains cas.
La violence que nous infligeons à notre sol se retournerait-elle contre nous, en commençant par les plus faibles, nos enfants ?
En 1902, Dupont de Nemours publie « Farming With Dynamite ». A court de guerre pour vendre sa dynamite, le géant américain se tourne vers les agriculteurs : « plantez dans votre champ un baton ‘Croix Rouge’ tous les 3m et allumez …» Boom ! Le champ est labouré. Suivront le fil barbelé des tranchées de 14, le gaz moutarde, le zyclon B, l’agent orange et les pesticides, les manipulations génétiques… L’agriculture est devenue la poubelle de la guerre. L’ironie veut que « cultiver avec la dynamite » ait été publié aux éditions « The Lord, Baltimore Press », « Dieu aux presses de Baltimore ». Ici, nous ne sommes plus dans un registre scientifique, mais bien dans le domaine de la croyance aveugle. Car le sol est un être vivant. Il digère tout ce qui tombe dessus pour recréer la vie. Ce système dynamique est composé d’êtres qui ont chacun leur rôle et leur place : en surface des êtres qui vivent avec l’oxygène, en dessous des êtres intermédiaires, au fond ceux qui ne supportent pas l’air. En labourant, les bactéries, champignons et autres microorganismes de surface, se retrouvent étouffées au fond et ceux du fond meurent au contact de l’air en surface. En crevant, ce petit monde fabrique du méthane, gaz 25 fois plus producteur d’effet de serre que le CO2 et 6 fois plus persistant dans l’atmosphère et du protoxyde d’azote, N2O, 298 fois plus provocateur de réchauffement global de la planète, qui reste et s’accumule durant 114 ans. Notre système digestif est conçu selon ce même schéma : bactéries aérobiques de la bouche à l’estomac, puis intermédiaires jusqu’aux anaérobiques totales dans le gros colon. Imaginez que l’on vienne vous bouleverser tout cet ordre, en labourant votre système digestif… Sans les bactéries de surface, l’eau ne pénètre plus, elle glisse et érode les sols. Mais surtout, les 50 kilos par mètre cube, en moyenne, de fer et d’aluminium qui constituent un sol normal, s’ionisent en ion Fe3+ et Al3+ désormais reconnus comme l’une des sources des maladies de dégénérescence nerveuse, qui se chargent dans les cultures que nous consommons. Tout cela est gérable pour un adulte, au prix de stress supplémentaire, mais sur un nourrisson dont le cerveau est en formation ? Le labour casse également les mycorhizes, les filaments de champignons qui se branchent aux racines pour rayonner au plus loin et leur apporter l’eau et les nutriments d’un sol fertile. Il est désormais prouvé qu’ils sont responsables de la fabrication d’acides aminés essentiels, les acides aminés que nous sommes incapables de produire par nous mêmes, vitaux à la fabrication de nos organes et des protéines qui forment notre système immunitaire. Pour celui qui mange de la viande, il pourra toujours retrouver ces briques essentielles de la vie dans les bêtes et les poissons qui mangent des plantes sauvages, mais le végétarien qui se nourrit exclusivement de ces plantes cultivées sera en carence… sauf s’il mange des plantes sauvages lui même.
L’espoir dans un graine
Nous y sommes. La fleur qui s’ouvre pleine de promesses de bonheur, est aussi enracinée dans la terre tel un thermomètre de notre planète. Il y a 500 millions d’années les plantes ont fait une invention géniale : la graine. En dormance pendant des années, elle attend le bon moment pour éclore, l’état du sol et du climat qui correspond à son patrimoine génétique. Si l’ont renverse cette proposition, elle m’informe de la dynamique des sols et m’annonce l’évolution du climat. Nous n’avons plus le luxe de déprimer. Le temps est à l’action. Voici la planète qui nous parle plein de fleurs à la bouche pour nous guider sur les chemins de la liberté.
Ecoutons la !
Très bel article dans le Télégramme de Bretagne, pour la Fleur Au Fusil. Catherine Richard en appelle au bon sens breton pour recommander la lecture de la Fleur Au Fusil…
Vont-ils aussi y découvrir qu’ils sont entouré du sucre le plus cher du monde sans le savoir?
Le Rhamnose est l’actif cosmétique le plus lucratif pour L’Oréal. C’est un antiride ultra-efficace, qu’ils utilisent dans au moins un vingtaine de produits de leurs différentes marques. Ils l’importent de Chine alors qu’il se trouve partout sur les plages bretonne
Les Ulvae, les algues vertes sont la source la plus riche de ce sucre qui est passé de 180 €/kg en 2010 à 3800 €/kh aujourd’hui. J’ai fait le design d’un robot qui ramasse les algues juste au moment où elles se développent, avant même qu’elles ne se déposent sur la plage. Le robot inclus des plages flottantes qui les rend plus riche en sucre, en reproduisant de manière artificielle les grandes marées et des expositions solaires prolongées avant de les sécher totalement.
Ensuite, j’ai proposé de développer un système d’extraction et de raffinage du sucre en utilisant une levure qui est spécialisée dans l’extraction de ce seul sucre rare. Un système qui permettrait à tout agriculteur d’extraire de lui même cette richesse incroyable, à un coût 34 fois moins cher que la technologie existante.
Pour développer l’ingénérie à partir de mon invention, j’ai proposé une collaboration avec le D-Lab créé par Amy Smith au MIT de Cambridge Massachussets. C’est l’un des plus brillants laboratoires universitaires au monde, qui est totalement dédié au développement et transfert de technologies pour les plus pauvres… je les adore.
J’ai également proposé au groupe français, un plan de développement avec la Région Bretagne, pour transformer en richesse cette catastrophe écologique que représente l’explosion des algues vertes provoquée par des pratiques agricoles désastreuses. Pourquoi le groupe français n’a-t-il pas suivi… mystère.
Catherine Richard termine dans le Télégramme :”Un livre dense et passionnant qui donne moins envie de pleurer que d’agir au plus vite ! Il intéressera tout autant les amoureux de nature et de botanique que ceux qui portent un intérêt à la phytothérapie, l’agriculture ou même l’histoire.”
La Fleur Au Fusil sur néoplanète, c’est avec l’excellente Yolaine de La Bigne, femme de punch engagée pour notre environnement, dans la presse et à travers les événements multiples qu’elle nous prépare sans répit.
Une finesse d’analyse redoutable et une vison fulgurante, fait d’elle une grande professionnelle, au service d’un véritable contre pouvoir salvateur aux dérives et à l’ignorance qui impacte la Nature.
Merci Yolaine.
ICI le lien pour néoplantère
Merci à la géniale Isabelle Adjani qui brandit la Fleur au Fusil dans le magazine Elle du 13 Mai 2016 :
« George Oxley est un biologiste de terrain, passionné par les bienfaits des plantes sauvages pour la nutrition, la santé et le climat. Pour lui, comme pour Pierre Rabhi que j’adore, ce sont de véritables sentinelles de l’environnement. Il décrypte le rôle de ces herbes folles sur les micro-organismes du sol, comme sur ceux du corps humain. Etudier la biodiversité en profondeur permet de travailler au développement de pays comme le Pérou ou la République du Congo! George Oxley est aussi un spécialiste de la permaculture, qui associe les espèces vivrières indispensables à l’autosuffisance des familles et les espèces qui présentent un grand intérêt économique. En appliquant des techniques naturelles pour dépolluer, ce biologiste relance la vie des sols, car de leur bonne santé dépend notre alimentation et celle de nos enfants. Il propose même des alternatives géniales à la prospection des groupes cosmétiques en identifiant de nouveaux ingrédients et formulations pour servir la cause d’une planète tout en bien-être, où l’homme retrouve l’intérêt de respecter le monde sauvage dont il est issu. George Oxley partage ses connaissances dans des ouvrages simples et didactiques où tout est scientifiquement vérifiable. Son nouveau livre, “La Fleur au fusil”, me plaît tellement! Il apporte toutes les solutions que nous offrent les plantes sauvages.» •
« La Fleur au fusil », de George Oxley (éd. Gallimard/Manifestô).
Le livre est épuisé, moins de 2 mois après sa première publication. La réédition est prévue revenir en librairie le 13 Mai 2016.
George Oxley est invité par Dorothée Barba dans son émission sur France Culture “c’est tout naturel” le Samedi 19 Mars à 5h10… que vous pouvez réécouter ici. pour parler de la Fleur Au Fusil son nouveau
livre.
Il n’y a pas de mauvaises herbes. Seulement des plantes qui ne sont pas à leur place, le plus souvent du fait de mauvaises pratiques de l’homme… comme la guerre… il y a 20 ans la population assiégée de Sarajevo
a survécu grâce aux 90 plantes qui poussaient derrière les obus. De la guerre à l’agriculture conventionnelle, il n’y a qu’un pas, comme le démontre la publication de Dupont de Nemours en 1902 “Farming with Dynamite”(puisque vous êtes là cliquez, vous arriverez au project Gutenberg,où vous téléchargerez le livre gratuitement! publié chez Dieu Editions à Baltimore). Tout ce qui est développé pour la guerre est voué à être rentabilisé par l’agriculture. C’est la poubelle de la guerre.
Les mauvaises herbes, les fleurs sont pleines de promesses, elles nous nourrissent, nous soignent… elles nous parlent aussi de notre sol. Le fait qu’elles poussent nous indiquent les qualités du sol et son évolution avec le changement climatique.
Elles offrent aussi plein d’espoir à ceux qui les écoutent, pour nous accompagner sur les chemins de la liberté.