La Fleur une arme source de vie est l’article que j’ai transmis au valeureux magazine Les Zindignés de Mai 2016 à leur demande à l’occasion de la sortie de mon nouveau livre “La Fleur Au Fusil”.
La fleur une arme source de vie.
Personne ne dit qu’il y a tout juste 20ans, les habitants de Sarajevo ont survécu à plus de 4 ans de siège, en se nourrissant d’un peu plus de 90 plantes sauvages. Bien sûr, il y avait les rations de l’aide humanitaire, les boites de corned-beef, les portions de vache-qui-rit, les biscuits secs… Mais à force de manger la même chose à tous les repas, on en perd son humanité. En leur apportant vitamines et chlorophylle, les fleurs sauvages ont libéré Sarajevo. En se nourrissant par eux-mêmes, les assiégés ont pris part à leur survie, ils sont restés humains. Les fleurs ont soigné leurs blessures, elles ont aussi remonté leur moral. C’est en 1992-93, pendant la guerre de Bosnie, qu’ont été publié les découvertes démontrant que le millepertuis était aussi efficace que les anxiolytiques, les antidépresseurs, Prozac et autres. Paracelse au XVI° siècle disait déjà que cette plante apportait le soleil dans la tête. Les principes actifs de la fleur n’ont pas d’effets secondaires et s’évanouissent dans la nature sans laisser de traces. Les médicaments de synthèse, issus de la chimie du pétrole, persistent et se concentrent dans les boues d’épuration pour former les cocktails de médicaments qui nourrissent les vers et autre nourriture des oiseaux, qui n’y sont absolument pas préparés et en perdent leurs repères. Il faut se souvenir que l’homme fait aussi parti de cette chaine alimentaire qu’il perturbe.
La paix revenue, les habitants de Sarajevo sont retournés à leur rêve de modernité aspirant, comme la majorité des européens, au supermarché et au Big Mac. Oubliées les plantes sauvages comestibles, effacés ces temps difficiles. On n’est pas fier d’avoir pu régresser, un jour, au niveau d’une poule qui picore sa pitance sauvage, tels des chasseurs cueilleurs d’avant l’agriculture. Mais le chasseur cueilleur n’est-il pas l’urbain d’aujourd’hui ?
Le meilleur des nutriments
Voici ces fleurs devenues iconiques des hippies Flower Power des années 70, des plantes sauvages comestibles pour restaurants hipsters 3 étoiles, de bobos en manque de révolte. Ces herbes folles méritent davantage. Elles sont vraiment nombreuses et représentent un vrai potentiel de nutrition. En Europe, sur les 7000 espèces de plantes, 4000 sont comestibles et 1000 au bas mot, absolument délicieuses. Au supermarché ou chez le primeur du coin de la rue, si l’on trouve plus de 20 légumes différents, c’est exceptionnel. Ces plantes sauvages, devenues mauvaises herbes, sont aussi les légumes anciens, aujourd’hui classés comme oubliés. Le Chénopode, par exemple, de la vaste famille des Amaranthaceae, fait parti du Capitulaire de Villis, l’ordonnance imposée par Charlemagne en 812. Tous les monastères et garnisons devaient cultiver 92 plantes pour assurer la sécurité de l’Empire européen. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, l’Amarante dispose d’autant de protéines que la viande de bœuf et de deux fois plus de calcium que le meilleur des laits.
La biodiversité pour notre santé
En évacuant le sauvage de notre quotidien, nous avons bradé la qualité de notre terroir, pour une nourriture en quantité. Je ne vous apprends rien, mais c’est toujours bon à rappeler, car rien n’est devenu plus difficile que de faire ses courses sans questionner l’innocuité de nos aliments de toujours. Bon appétit ou bon courage ? De la terre à l‘assiette, notre culture s’effrite et notre planète chauffe. Avant même de mettre en cause la chimie déversée en quantité pharaonique depuis 30 ans, qui tue en premier chef ceux qui les emploient, les cultivateurs, la qualité de nos produits dépend avant tout de la biodiversité des fleurs des champs, tout comme des pratiques agricoles. Les abeilles qui crèvent en sont les meilleures indicatrices, car c’est avec cette biodiversité qu’elles fabriquent leurs défenses immunitaires. Depuis les relevés botaniques effectués par l’excellent botaniste Gérard Ducerf, dans les années 1980, où l’on comptait 250 à 300 plantes, dans les mêmes pâturages, comme dans les alpages sanctuarisés aujourd’hui, le maximum que nous relevons est de 50 à 60 plantes dans les espaces exemplaires et plus souvent 15 à 14, voire 5 dans certains cas.
La violence que nous infligeons à notre sol se retournerait-elle contre nous, en commençant par les plus faibles, nos enfants ?
En 1902, Dupont de Nemours publie « Farming With Dynamite ». A court de guerre pour vendre sa dynamite, le géant américain se tourne vers les agriculteurs : « plantez dans votre champ un baton ‘Croix Rouge’ tous les 3m et allumez …» Boom ! Le champ est labouré. Suivront le fil barbelé des tranchées de 14, le gaz moutarde, le zyclon B, l’agent orange et les pesticides, les manipulations génétiques… L’agriculture est devenue la poubelle de la guerre. L’ironie veut que « cultiver avec la dynamite » ait été publié aux éditions « The Lord, Baltimore Press », « Dieu aux presses de Baltimore ». Ici, nous ne sommes plus dans un registre scientifique, mais bien dans le domaine de la croyance aveugle. Car le sol est un être vivant. Il digère tout ce qui tombe dessus pour recréer la vie. Ce système dynamique est composé d’êtres qui ont chacun leur rôle et leur place : en surface des êtres qui vivent avec l’oxygène, en dessous des êtres intermédiaires, au fond ceux qui ne supportent pas l’air. En labourant, les bactéries, champignons et autres microorganismes de surface, se retrouvent étouffées au fond et ceux du fond meurent au contact de l’air en surface. En crevant, ce petit monde fabrique du méthane, gaz 25 fois plus producteur d’effet de serre que le CO2 et 6 fois plus persistant dans l’atmosphère et du protoxyde d’azote, N2O, 298 fois plus provocateur de réchauffement global de la planète, qui reste et s’accumule durant 114 ans. Notre système digestif est conçu selon ce même schéma : bactéries aérobiques de la bouche à l’estomac, puis intermédiaires jusqu’aux anaérobiques totales dans le gros colon. Imaginez que l’on vienne vous bouleverser tout cet ordre, en labourant votre système digestif… Sans les bactéries de surface, l’eau ne pénètre plus, elle glisse et érode les sols. Mais surtout, les 50 kilos par mètre cube, en moyenne, de fer et d’aluminium qui constituent un sol normal, s’ionisent en ion Fe3+ et Al3+ désormais reconnus comme l’une des sources des maladies de dégénérescence nerveuse, qui se chargent dans les cultures que nous consommons. Tout cela est gérable pour un adulte, au prix de stress supplémentaire, mais sur un nourrisson dont le cerveau est en formation ? Le labour casse également les mycorhizes, les filaments de champignons qui se branchent aux racines pour rayonner au plus loin et leur apporter l’eau et les nutriments d’un sol fertile. Il est désormais prouvé qu’ils sont responsables de la fabrication d’acides aminés essentiels, les acides aminés que nous sommes incapables de produire par nous mêmes, vitaux à la fabrication de nos organes et des protéines qui forment notre système immunitaire. Pour celui qui mange de la viande, il pourra toujours retrouver ces briques essentielles de la vie dans les bêtes et les poissons qui mangent des plantes sauvages, mais le végétarien qui se nourrit exclusivement de ces plantes cultivées sera en carence… sauf s’il mange des plantes sauvages lui même.
L’espoir dans un graine
Nous y sommes. La fleur qui s’ouvre pleine de promesses de bonheur, est aussi enracinée dans la terre tel un thermomètre de notre planète. Il y a 500 millions d’années les plantes ont fait une invention géniale : la graine. En dormance pendant des années, elle attend le bon moment pour éclore, l’état du sol et du climat qui correspond à son patrimoine génétique. Si l’ont renverse cette proposition, elle m’informe de la dynamique des sols et m’annonce l’évolution du climat. Nous n’avons plus le luxe de déprimer. Le temps est à l’action. Voici la planète qui nous parle plein de fleurs à la bouche pour nous guider sur les chemins de la liberté.
Ecoutons la !
Le Manifeste Gourmand des Herbes Folles : le livre de chevet d’Isabelle Adjani.
“On a découvert ce livre avec mon fils ainé. Désormais lorsqu’on se ballade dans la nature on est capables de cueillir des plantes qui savent faire du bien! Comme le millepertuis qui booste le moral. A l’époque où l’on tente de nous faire consommer toujours plus de produits de synthèse, ses auteurs viennent nous rappeler que tout est déjà là , à notre portée dans la nature.”
Merci Isabelle Adjani, merci Barnabé Nuytten.