Biologiste passionné par la vie des sols, George Oxley milite pour une meilleure connaissance des plantes sauvages. Et si notre avenir résidait aussi dans les fleurs ?
Quel rapport entre le siège de Sarajevo, de 1992 à 1995, et les fleurs sauvages? La question peut paraître étrange. Pourtant la population bosniaque confinée dans ses murs Durant près de quatre ans a pu survivre en partie grâce à quelque 91 plantes sauvages. Sources de vitamines, «elles ont complété les tristes rations de l’aide internationale», écrit George Oxley dans, la fleur au fusil passionnant essai consacré aux potentialités que recèlent les plantes sauvages en matière.de nutrition, de santé et de climat.
De leurs saveurs, ce sciertifique gastronome s’était déjà fait l’ardent défenseur dans un Manifeste Gourmand des plantes sauvages qui décrocha en 2013 le prix du Livre gastronome. Le propos cette fois-ci est plus grave puisqu’il ne s’agit rien de moins d’inscrire les plantes dans une réflexion engageant l’avenir de l’humanité et la lutte contre les dérèglements climatiques. Biologiste indépendant et spécialiste de la vie des sols, acteur engagé de la biodiversité appliquée à l’agriculture, notamment dans le bassin du Congo où il explore des possibilités de nutrition alternatives qui fassent l’économie du «tout chimique», George Oxley signe un ouvrage de vulgarisation scientifique. Le profane y saisira combien les fleurs et les plantes sauvages sont des indicateurs de la qualité des sols. Ainsi, à Sarajevo, dans la terre fraîchement battue par les obus, le tussilage était la première fleur à apparaître. Et compte tenu du nombre d’obus qui tombaient sur la ville, elle poussait abondamment, offrant aux habitants ses ressources en vitamines C et sels minéraux. Parmi les sucres assimilables du tussilage, le rhamnose. «Le plus rare des neuf sucres de base de la création. Il permet aux cellules d’absorber illico toutes sortes de nutriments», écrit George Oxley.
Parmi les 7 000 plantes européennes, 5 000 sont comestibles dont beaucoup apportent à l’homme des éléments nutritifs essentiels. Un réservoir fantastique longtemps délaissé dans une société occidentale qui privilégie une agriculture dopée à la chimie et peu soucieuse du respect des sols – à leur appauvrissement, la réponse est toujours plus d’azote, de phosphore et de potasse. Dénonçant l’ancestrale pratique du labour, qui fait basculer sous terre les micro-organismes ayant un besoin vital d’oxygène et remonter en surface d’autres qui craignent l’air, appauvrissant d’autant les sols, Oxley trace les contours d’une agriculture alternative passant par le respect de la terre : « 90 % du vivant de notre planète est contenu dans ce sol. Tout ce qui se développe et se balade en surface est conçu pour le nourrir. [ … ] Pour la fertilité, chaque maillon de la chaîne alimentaire compte ». A la monoculture intensive, de nombreuses sociétés ont oppose l’harmonie dans la diversité, à l’instar des Incas qui faisaient pousser le maïs en l’associant au haricot, au potiron et à la poire de terre (un cousin du topinambour) où du riz japonais semé avec du trèfle dans un champ où est également cultivé de l’orge. « Les herbes folles nous nourrissent et participent à la vie du sol. Elles sont au centre de toute cette complexité du vivant qui fixe le carbone et les gaz à effets de serre», rappelle George Oxley. Une prise de conscience se dessine. Du rôle des plantes sauvages, la COP 21 s’en est même fait l’écho. Pour le biologiste il ne reste désormais plus qu’à agir.
Article de Serge Hartmann, Les Dernières Nouvelles d’Alsace DNA le 9 Mai 2017
La fleur au fusil, de George Oxley, aux editions Alternatives Gallimard, collection Manifestô, 141 pages 17€
Rencontre avec George Oxley Mardi 9 Mai à 17h30 librairie Kléber à Strasbourg