“Ô Bout du Monde”: les Foodingues cuisinent cap au Sud antarctique pour France O. Au menu : Soupe des Grands Pieds et Empanadas de Cactus.
Des plantes sauvages pour Laurent Bignolas qui présente les documentaires de Géraldine Danon et Philippe Poupon, aux frontières les plus australes de la Patagonie, le pays des grands pieds, aux franges de la banquise. Notre mission cocooner l’invité : le grand navigateur et champion Roland Jourdain, le vainqueur de la route du Rhum en monocoque, et de la Rolex Fastnet 2011 en multicoques…
Cette semaine ce sont des plantes sauvages que tout navigateur devrait connaître. Elles se cueillent aussi bien en Patagonie, qu’en bord de mer en Europe et un peu partout dans le monde; mis à part le figuier de barbarie d’origine américaine, qui préfère les petits coins bien au chaud pour se développer … Vous retrouvez toutes ces plantes et ce qu’elles nous apportent, dans notre Manifeste Gourmand des Herbes Folles, aux éditions du Toucan.
La Soupe des Grands Pieds est à base de glands de chêne; de chêne vert, comme les Ballotes que mangent les cochons ibériques de Bellota, qui produisent les meilleurs jambons du monde.
Cette soupe est inspirée de la première recette de cuisine écrite en France, réalisée pour le mariage de Blanche de Castille, la mère de Saint Louis. La différence ici, ce sont les glands qui remplacent les amandes et comme nous sommes en Patagonie, la soupe de poissons de roche au lieu du bouillon de chapon.
Les Mapuches de Patagonie mangeaient ces glands, une foi fermentés. C’étaient les sucreries des indiens Alakaluf de la Terre de Feu : les glands étaient trempés dans l’eau pendant 2 semaines, puis séchés au vent pendant un mois à l’ombre. Une fois leur coque toute noire, ils sont à point. Il ne reste plus qu’à les éplucher pour obtenir des friandises transparentes ultra-sucrées… un peu comme des marrons glacés !
Pour la soupe des Grands Pieds, j’émulsionne les glands dans un bouillon de reste de poisson. Je saupoudre d’épices brûlés pour le noir-vert, à base d’algue Fucus vesiculosus toastée, de criste marine et pour le rouge, des morceaux de figue de barbarie.
Pour accompagner la soupe : les incontournables empanadas – ce plat est un peu l’ADN des Argentins.
Seulement ici, pour une fois, nous faisons un clin d’Å“il au passé indien de l’Argentin. Celui dont personne là bas ne veut se souvenir. En revenant des Andes bolivienne, à Buenos Aires nous sommes pris par un taxi qui portait une longue chevelure noire à la Atahualpa Yupanqui… Dés qu’il apprend d’où nous revenons il s’écrit « mais il y a plein d’indiens là bas ! »
Nous avons remplies ces empanadas d’herbes sauvages, de Yuyos comme on dit là bas.
Yuyos, les mauvaises herbes qui sont la hantise de l’agronome argentin. Pourtant ce mot vient du Quechua, la langue de l’Incas et signifie plantes alimentaires… Triste ironie du sort où l’agronome moderne se retrouve à lutter contre les plantes alimentaires d’autrefois.
Ces empanadas sont fourrées d’une julienne de nopal, les raquettes de cactus de figue de barbarie et de Beta maritima, la betterave marine à l’origine de notre betterave cultivée, qui pousse sur toutes les plages du monde. beta parella Sm
Un peu d’oignon fondu dans de l’huile d’olive, confit au sirop de caroubier et concentré dans le bouillon de poisson ; je rajoute la julienne de raquette d’Opuntia et de Beta hachés… le tout emmitouflé dans une pâte feuilletée, peinte à l’Å“uf dilué dans l’eau pour que cela brille, au four 15mn à 180° et voila.
Les plantes sauvages :
Le Fucus vesiculosus : le vulgaire goémon qui sert de décoration aux huitres est pourtant aussi nourrissant voire davantage qu’elles… il se vend à près de 7 euros les 50gr en pharmacie pour les régimes amaigrissant et nous le jetons…
Une fois toasté et réduit en miettes, il devient une épice salée délicieuse. Il sale et pourtant transmet des actifs qui permettent de réguler le sel dans le sang.
– La criste marine : Crithmum maritimum, était le secret de la marine britannique de guerre. Elle était conservée dans l’eau salée ou dans le vinaigre. C’était une réserve de vitamine C pour lutter contre le scorbut. Aujourd’hui c’est le secret de beauté des marques cosmétiques, grâce à leurs complexes sucrés capables de reconstruire la peau.
Le figue de barbarie : l’Opuntia Ssp. c’est vrai, est aujourd’hui complètement oublié en tant que nutriment en Patagonie. Pourtant, lui comme les autres fruits de cactus, étaient plutôt apprécié. Maintenant, il est plutôt devenu une nuisance ou le complément pernicieux d’une haie. Les indiens l’appelaient la plante des os, car elle est ultra riche en calcium et a toujours été utilisée pour réparer les fractures. Les fruits sont sucrés et très riches en antioxydants. Les raquettes sont délicieuses. Elles peuvent se servir crues, en julienne ou bien cuites. Au Mexique, pour éviter de perdre tout le mucilage dans l’eau, toute cette bave remplies d’excellents principes actifs, le secret des Aztèques était de les cuire dans une eau saturée de tequixquitl, aujourd’hui Tequixquite, un sel fin récolté aux bord du lac de Mexico. On peut tout simplement le remplacer par du bicarbonate de sodium, car dans l’eau la raquette a tendance à relacher toute sa bave avec son calcium, basique donc. Si l’eau est saturée de base, la raquette reste bien ferme en gardant toutes ses bonnes choses.
 Le caroubier : en Amérique du sud c’est le Prosopis Ssp., alors qu’ailleurs c’est le Ceratonia. Là bas c’est l’arbre de vie, l’arbre qui nourrit le voyageur. Ici j’utilise le suc tiré de ses fruits, que l’on appelle “miel de algarobo”. Je le mélange aux oignons de l’empanada pour les faire caraméliser et leur donner comme un goût de cacao. C’est le petit truc qui rend ce plat totalement un palais sucré comme celui d’un Argentin…
En Amérique du Sud, cet arbre est souvent à côté d’une église… c’est un arbre votifs, auquel on accroche des petits bouts de tissus pour que ses vÅ“ux se réalisent. C’est aussi l’arbre des voyageur, l’arbre des camionneurs : au bord des routes en Argentine, il y a toujours un petit autel rouge dédié au gauchito Gil, le Robin des Bois des camionneurs, le saint des pauvres et des humiliés, à qui l’on fait une offrande rouge.
No me dejes partir, viejo algarrobo,
que ya no sé decir: Hasta la vuelta…
Hay un rÃo profundo que me llama
desde el antiguo valle de la pena.
Ne me laisse pas partir, viel algarrobo
déjà je ne sais plus dire : à bientôt…
A moi, cette rivière profonde s’adresse
depuis l’antique vallée de la tristesse
Ces vers d’Atahualpa Yupanqui, me renvoient à la première fois où nous sommes arrivés dans les Andes péruviennes. Dans un restaurant de la porte des Andes, à Huancayo, on nous a servi une énorme pomme de terre. Elle venait du Canada… Fou ! Sur la terre des hommes qui ont inventé la pomme de terre ils n’avaient rien trouvé de mieux que d’importer les patates du Canada ! En fait la pomme de terre native, celle des origines, c’était la pomme de terre des pauvres, elle faisait honte. Voilà pourquoi début 2000, avec un entrepreneur péruvien, nous avons monté le projet Tikkapapa, fleur de patate en quechua, pour fédérer 8000 communautés entre 3500 et 5000m d’altitude dans les Andes. Puis nous avons organisé le réseau de transport pour vendre les pomme de terre lavée et conditionnées en supermarché. Nous sommes allés voir les plus grands chefs pour leur présenter ces sublimes pommes de terre. Ce fut un succès. Aujourd’hui le Pérou est fier de sa Pomme de terre : plus de 3000 variétés perdurent et environ 230 sont cultivées dans un objectif commercial.
Ce projet a reçu la Médaille d’Or de la FAO en 2006, le SEED AWARD 2007 des Nations Unies et le BBC WORLD CHALLENGE for development 2007… Comme quoi de sa propre initiative et sans moyen particulier, il est possible de faire éclore de superbes projets pour le développement.
Ce sont toutes ces traditions et ces richesses culinaires que nous avons voulu transmettre dans notre livre le Manifeste Gourmand des Herbes Folles. Pour bien affirmer que le plus souvent en gastronomie « Gratuit c’est meilleur ! ».
Des Surfeurs sur le plateau de Laurent Bignolas sur France television? Après le film de Julian et Joaquin Azulay “Gaucho Del Mar“, George et Diana, les Foodingues, cuisinent les plantes sauvages pour ses invités.
Pizza, gazpacho, cuisine planétaire, fast food, mais certainement pas junk food : les Herbes Folles vont transformer le fast en good : bon et utile, apportant tout ce dont un surfeur a besoin pour affronter les plus grosses vagues.
Pour cela, pas besoin d’aller Ô Bout du Monde, tout se trouve à côté, au bord de la plage et c’est gratuit.
Le slogan du “Manifeste Gourmand des Herbes Folles” est « Gratuit c’est meilleur !». Les herbes folles pour surfers poussent sur pratiquement toutes les plages du monde :
-      De l’Atriplex halimus, hyper-protéiné pour l’énergie et la force, qui nourrit en régulant le taux de sel dans le sang… avec toutes les tasses d’eau de mer que prennent nos surfeurs…
-      Du Cakilé maritime pour les vitamines C et une peau douce et sans ride malgré des heures à attendre la vague dans l’eau de mer ;
-      Du Calendula en guise d’après solaire : super antioxydant, cette plante stoppe littéralement les processus carcinogènes de la peau causés par le soleil. (le palace parisien Le Royal Monceau et le Figaro parlent de notre fameux gazpacho dans leur rubrique “detox”)
La pizza, viendrait de l’occitan Peix Salat, comme l’on dit encore à Ibiza : c’est la manière de préparer les poissons un peu durs, la raie ou le requin, que l’on sèche dans le sel et au soleil (peix salat, pour poisson salé). Le diminutif de peix salat aurait donné pizza, le casse croute des marins, dont le nom complet est coca de Peix salat. Coca étant la galette de pain.
Dans notre pissaladière il y a :
De l’Atriplex maritime, de la famille des Amaranthaceae :
ce buisson peut nous sauver de la famine en toute circonstance. L’Organisation Mondiale de la Santé, l’OMS, a constaté qu’elle contient autant de protéines que la viande de bœuf ; sans parler d’un bœuf élevé au soja transgénique, en Argentine, au Brésil ou en Europe, dans un feedlot, le camp de concentration terminal pour bœuf…
En plus, elle contient 1 fois et ½ plus de calcium que le lait. Vous croyez qu’elle le tire d’où la vache, son calcium ? En plus cette plante vous donne tous les instruments pour assimiler ce calcium. Alors plutôt que de boire du lait, laissez le pour les veaux et allez à la source !
Du Cakilé maritime…
le Régent l’appelait sa roquette de Saint Jean d’Acre, c’était son aphrodisiaque favori auréolé de terre sainte… elle a le goût de moutarde ; elle est bourrée de vitamine C et est super facile à trouver car ses fleurs sont en croix comme la roquette, mais en violet. Elle a aussi beaucoup du soufre et des sucres précieux dans son mucilage qui remontent les défenses immunitaires, nourrissent la peau et permettent de supporter des heures dans l’eau de mer, sans problème…
Le cakilé frais, sur les oignons confits de la pissaladières avec le sel de l’atriplex et la force des anchois… c’est vraiment délicieux.
Pour la boisson ? Juste derrière la dune, pousse le calendula, précise comme une horloge… elle ouvre ses fleurs à 9h00 et les ferme à 16H30… C’est madame météo : s’il va pleuvoir elle ferme complètement les écoutilles.
Elle pousse partout où le sol, la peau de la terre est brûlée par le soleil ; elle permet à tout ce petit monde des bactéries du sol vivant de survivre… Elle fait le même travail sur la peau de l’homme ! Elle stoppe les processus qui créent les cancer de la peau par le soleil : elle est remplie d’anti-oxydants et d’anthocyanes, bien plus que les jus de grenade à la mode… Mixé avec un peu d’eau, d’huile d’olive, d’ail, la plante entière, coupée sans sa racine pour qu’elle repousse plus tard… et vous avez votre gazpacho après solaire.
Attention amis surfeurs, aujourd’hui la plupart d’entre vous sont végétariens : pour ne pas être en carence, il faut absolument manger des plantes sauvages, ou des algues, puisque vous ne mangez plus les animaux ou les poissons qui en mangent. Elles possèdent les 9 acides aminés que l’on appelle acides aminés essentiels, ceux que notre corps ne peut pas fabriquer. Or ce sont les “briques” essentielles de notre ADN et de nos protéines. Les plantes cultivées et les légumes n’en contiennent pas. Ces acides aminés sont transmis aux plantes par les mycelium, les champignons qui vivent en symbiose avec elles. Lorsque la terre est labourée cet échange ne se fait plus.
Vous trouverez toutes les fiches descriptives dans le Manifeste Gourmand des Herbes Folles,
pour découvrir sans se tromper, toutes les plantes comestibles qui poussent autour de vous, ainsi que les recettes et les manières de les cuisiner, pour vous ouvrir les chemins de la liberté : « Gratuit c’est meilleur ».
A la semaine prochaine sur France O… Samedi 22h30 et Dimanche 16h30
Ce soir, sur France O, la cuisine des Herbes Folles régale Laurent Bignolas et son invité, Olivier Grunewald, qui revient du volcan de soufre de Java, le Kavah Ijen. Pour l’occasion, nous leur avons cuisiné une salade “Javanaise” à la moutarde sauvage, le Sisymbrium irio, la plante du soufre.
Olivier Grunewald nous présente le spectaculaire film, qu’il a tourné avec Régis Etienne, “Kawah Ijen, Le Mystère des Flammes Bleues“, qui émanent du fond du cratère du volcan, de l’un des plus grand lac d’acide connu au monde.
Le Sisymbrium irio,
la plante du soufre par excellence, mais heureusement ce soufre est sous forme de glycosinates, bons pour la santé, contrairement aux émanations dans lesquelles ont vécu nos deux explorateurs pendant 30 nuits, dans le cratère du volcan javanais. Le sisymbre est une moutarde discrète et parfumée, recherchée pour ses qualités anti-infectieuses, antiparasitaires et dépuratives. On l’appelle aussi l’herbe aux chantres, car les acteurs et les chanteurs d’opéra en prenaient pour préserver leur cordes vocales. Pour maitriser ces irruptions gustatives, rien de mieux que la fleur de bananier, que l’on trouve partout à Java. En Asie, la fleur de bananier représente le « non goût » ; le sixième goût que l’on appelle aussi l’astringence. L’astringence est une qualité : on dit d’une belle lame de sabre qu’elle est astringente, comme d’un homme fin et perspicace.
Ce non-goût permet au palais de ne pas complètement disjoncter les goûts très forts, de pouvoir résister à des goûts volcaniques. A Java elle permet d’apprécier les subtilités d’une sauce de poisson fermenté ultra forte et salée, avec un peu de cacahuète, de sucre de palme et de piment. Elle permet aussi de supporter le combava pur, avec ses jeunes pousses, le petit citron tout fripé ultra puissant qui aromatise la salade. Cette « javanaise » de fleur de bananier est une salade que l’on retrouve un peu partout en Asie du Sud Est tropicale. En Malaisie, jusqu’au Laos où elle s’appelle lap : c’est le plat que l’on servait aux hôtes d’honneur du palais de Luang Prabang ; Un peu de coriandre, de feuilles de shizo, de basilic Thai, un peu de toutes les herbes aromatiques que l’on a sous la main. Ce qui compte ici c’est la biodiversité des goûts qui vont pouvoir se dévoiler, un par un, comme les différentes couleurs d’une palette, grâce à la fleur de bananier. Et bien sûr notre moutarde sauvage fraiche, Sisymbrium irio. Une plante cousine de la roquette en beaucoup plus forte, avec des petites fleurs jaunes en croix que l’on trouve presque partout sur la planète. Celle-ci nécessite un peu de chaleur pour pousser, mais au rythme où le climat change, nous sommes prêt à la voir pousser jusqu’en Belgique très bientôt, si ce n’est déjà le cas. La “Javanaise” peut s’accompagner de porc ou de poulet. Les pêcheurs la font avec du poisson. Le poisson au citron vert et au piment est un délice, seulement, lorsqu’il est mis directement dans le citron, il cuit immédiatement et devient totalement sec. A Java, la coco est omniprésente. C’est pourquoi, lorsque je marine le poisson, ici un filet de rouget grondin, je le marine dans le jus de coco fraiche que j’aromatise au combava, le petit citron vert de Java. Ceci pour qu’il puisse rester tendre et onctueux, sans cuire dans le citron et se transformer en carton.
Avant de hacher finement la fleur de banane, je retire des pétales qui vont servir d’assiette pour servir la salade… Aujourd’hui Laurent, pas de vaisselle, même l’assiette se mange. Retrouvez toutes les histoires des herbes folles, leurs recettes, comme leurs vertus dans le Manifeste Gourmand des Herbes Folles, de Diana Ubarrechena, George Oxley et Gérard Ducerf, éditions du Toucan. 368p. A Samedi prochain sur France O, 22h45 et rediffusion le Dimanche à 16h35.
Sur France O, France Télévision, chaque samedi à 22h45 (rediffusion le Dimanche 16h35), diana & george,
les foodingues, auteurs du Manifeste Gourmand des Herbes Folles, inventent une recette de plantes sauvages, pour l’invité de la nouvelle émission présentée par Laurent Bignolas : Ô Bout Du Monde.
Un documentaire spectaculaire, d’aventure, d’exploit, d’exploration et le tout à la fois… un invité qui revient de loin… et une recette de plantes sauvages inspirée par ses dernières destinations.
Ce soir, après “A Fine Line, La Frontière Invisible”, l’incroyable documentaire sur Killian Jornet et ses deux traversées du Mont Blanc au pas de course… C’est Jamel Bahli, le coureur autour du monde, qui inaugure nos petits plats :
Pour ce grand coureur de désert, une Tagine de dates et heure à la ficoïde glaciale, avec un filet d’agneau à la poudre d’Hercule… ?!
Beaucoup de plantes comestibles du désert s’appellent ficoïde…
Ici il s’agit de l’Aizoon Ssp. et du Mesembrianthemum crystalum. Ces sont des plantes bourrées d’eau, qu’il faut absolument savoir reconnaitre car elles peuvent sauver des vies. Elles font le délice des Bushmen du Kalahari.
Une herbe du bout du monde…
car elles sont originaires du désert Namibien, mais sont désormais cultivées en Europe, pour les restaurants gastronomiques. La plupart du temps elles sont pourtant considérées comme des mauvaises herbes dans les champs en Espagne, en Provence. Aujourd’hui elles commencent à remonter vers l’Europe du Nord en suivant l’évolution du réchauffement climatique.
N’oublions pas que ce sont des plantes de désert, un sol minéral et mort…
quand l’on en trouve une dans la vallée du Rhône, cela nous donne une petite idée de l’impact de nos méthodes agricoles sur nos sols et de nos herbicides… comme le sol ne retient plus l’eau qui part avec l’érosion, elle se gonfle d’eau grâce à son mucilage, sa structure légèrement gélatineuse faite de sucre précieux. Elle préserve une atmosphère légèrement humide pour permettre de maintenir la vie autour d’elle.
Elle tente de soigner le sol, la peau de la terre, mais le plus étonnant est qu’aujourd’hui l’on découvre que les sucres qu’elle recèle, soignent aussi la peau de l’homme. Aujourd’hui de très grandes marques de cosmétique ont déposé des brevets d’actifs antiride à partir des sucres qu’elle possède.
Ces plantes à mucilage sont aussi les championnes du monde du CO2…
elles l’absorbent de jour comme de nuit, par photosynthèse et par respiration. On appelle cette capacité, le système CAM de Crassulaceous Acid Metabolism. Dés qu’il fait trop chaud et que la plante risque de dessécher, elle ferme toutes ses écoutilles et attend que cela se passe ; cela ne dure que quelques heures, mêmedans le désert. Elle se rattrape en absorbant le CO2 la nuit, qu’elle transforme en acide malique. Malique, de Malus la pomme, le fruit défendu ; une grande erreur botanique, car la pomme n’a jamais été le fruit défendu, mais c’est une autre histoire, que je réserve pour une autre aventure. En tout cas, c’est pourquoi le matin, ces plantes crassulacées sont acides comme des pommes vertes. Il suffit d’attendre un peu pour que l’acide se transforme en sucre manitol avec le soleil.
La poudre d’hercule qui épice le filet d’agneau, c’est la poudre des graines de la grande berce, Heracleum sphondylum ou Heracleum persicum. En Iran elle s’appelle golpar, la fleur d’or. C’est avec elle que l’on cuisine les plats pour les mariages et pour la fête du solstice d’hiver, la nuit la plus longue : c’est une grande aphrodisiaque.
En Angleterre la reine Victoria a tenté de la faire disparaître …
le premier herbicide a été inventé pour s’en débarrasser. C’est une nourriture abondante et gratuite ; en la faisant disparaître, elle pensait freiner la reproduction des pauvres et stopper la misère… On créa la confusion avec la berce géante du Caucase, Heracleum mantegazianum toxique et car elle rend photo sensible ; nommée en l’honneur du fameux docteur Mantegaziani qui est au plaisir ce que notre Brillat Savarin est au goût, car on lui doit la physiologie du plaisir, vite mis au pilori par notre 19° siècle puritain.
Une herbe qui empêche de se montrer au soleil, qui vient de loin à l’Est, du Caucase ou des Carpates, et qui de surcroit rend lubrique… et voilà la légende de Dracula ; son créateur Bram Stoker s’est sûrement inspiré de la paranoïa ambiante autour de cette pauvre plante, qui n’avait rien demandé.
En 1972, le premier tube de Genesis, Peter Gabriel et Phil Collins chantent « the return of the giant hogweed », la nature et l’amour reprennent leur droit.
La grande berce est l’exacte opposée de la ficoïde, l’une d’une terre trop riche, l’autre d’une terre morte. Elles sont l’alpha et l’omega de la terre, d’un extrême à l’autre, ce qui fait courir nos héros aventuriers.
Voilà donc notre tagine de dates et heure :
des racines de saison, panais, carottes, racines de persil, revenues doucement dans le tagine couvert, avec un oignon, une pincée de sel, un peu de poivre et de cannelle. Lorsque le tout est bien coloré et fondu je rajoute les dates fraiches et je baisse le feu en couvrant. Je laisse mes dates une heure, prendre la chaleur et commencer à fondre.
Je désosse mes côtelettes d’agneau non découpée, pour lever mon filet d’agneau et mon contre filet que je roule dans la poudre de berce. Comme c’est une viande très délicate, je la marque juste au BBQ, en croisant les marques et en la cuisant à peine
Je place le filet dans le tagine avec la ficoïde avant de servir, pour que tout prenne la même température et que la viande cuise davantage en s’imbibant de l’arôme de la berce légèrement fumée.
En levant le couvercle, le vert pomme de la ficoïde est resplendissant d’espoir sur ce fond marron et caramélisé du tagine.